* Cherry Blossoms

Publié le par 67-ciné.gi 2008











Cherry Blossoms (Kirschblüten-Hanami) comédie dramatique de Doris Dörrie

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avec :
Elmar Wepper, Hannelore Elsner, Nadja Uhl, Maximilian Brückner, Aya Irizuki, Birgit Minichmayr, Felix Eitner, Floriane Daniel, Celine Tannenberger, Robert Döhlert et Tadashi Endo


durée : 2h07
sortie le 10 septembre 2008
 
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Synopsis
Trudi apprend que les jours de son époux Rudi sont comptés et ne trouve pas le courage de le lui annoncer. Elle cherche au contraire à rendre sa vie la plus belle possible et l’incite à partir en voyage, lui qui est si casanier.
Ce voyage le conduira de Berlin, où habitent plusieurs de leurs enfants, à la Mer Baltique, puis de la mer Baltique au Japon, alors qu’on y célèbre le Hanami, la floraison des cerisiers, symbole de la beauté et de l’éphémère.


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Entretien avec Doris Dörrie
- : « Le personnage principal ? »

Doris Dörrie : « Peter Lorre, l’acteur principal de M. Le maudit, a été mon inspiration pour le personnage de Rudi – il portait un manteau et un chapeau dans ce film. Il était trapu et solide comme un roc. Un homme aux épaules hautes et à l’air rigide. »

- : « Rudi souffre terriblement de la disparition de sa femme Trudi quand, soudainement, il décide de porter sa jupe et son collier. Que lui est-il arrivé ? »

Doris Dörrie : « Je considère que le deuil est une forme d’acceptation. Au début on ressent une peine infinie, provoquée par la séparation physique que l’on sait définitive. Puis soudainement on porte l’autre en soi. On entame alors un dialogue secret avec la personne disparue, un dialogue qui ne pourra être dérangé par quiconque. Rudi retrouve Trudi en amorçant cette conversation intérieure avec elle, un échange qui est au moins tout aussi intense que celui qu’ils avaient avant sa disparition. Il redécouvre une forme de complicité que seuls les gens qui ont vécu ensemble pendant longtemps peuvent avoir. Mais cet échange a souvent été négligé par la routine de la vie quotidienne, et aussi par une façon de se rendre indisponible, une certaine paresse. Le thème de l’éphémère est inépuisable. La seule chose qui est constante est le fait de savoir que rien n’est durable. Personne ne veut l’accepter, c’est la nature humaine que de refuser de l’accepter et c’est ce qui engendre tant de souffrances. Nous voulons capturer les instants. C’est pour moi très comparable à l’art de faire des films, le fait de créer des moments qui disparaissent aussitôt, et de vouloir les capturer. »


- : « Mais Cherry Blossoms est aussi un film sur l’amour. »

Doris Dörrie : « Bien entendu ce film est une romance, mais l’amour lui aussi est éphémère. Chacun doit donner à l’amour une chance de se révéler dans sa plus grande douleur et sa plus grande force. C’est pour cela que les japonais s’assoient sous les cerisiers : ils sont absolument magnifiques lorsqu’ils sont en fleurs, et en même temps leur période de floraison est douloureuse tant elle est éphémère. Il faut saisir le moment où les fleurs éclosent, si l’on rate cette période, il faut attendre une année entière et peut-être beaucoup plus. Les japonais s’occupent donc avec le plus grand soin des arbres. Il en est de même avec l’amour : quand on l’a, il faut lui donner une chance de s’épanouir, et il faut savoir l’apprécier. C’est le sujet principal du film : chaque personne, chaque plante, chaque animal peut se révéler et s’épanouir à un moment donné. Mais souvent on essaie de l’étouffer, c’est ce qui arrive à Rudi dans le film. Nous ne laissons jamais notre être profond et notre beauté se révéler, s’épanouir comme le cerisier. »

- : « Quelle a été votre inspiration pour ce film ? »

Doris Dörrie : « Plusieurs choses : mon histoire personnelle, des films classiques japonais, ceux d’Ozu bien sûr (dont Tokyo Monogatari (1953), lui même un remake de Make way for tomorrow (1937) de Léo McCarey), des histoires de famille, autant que ma fascination pour le Japon et le Butoh. Mais ce qui m’a vraiment décidée, c’était de vouloir réaliser une fiction, de la même façon que j’ai tourné mon film Epanouissement garanti. Je voulais que le processus soit léger et travailler avec une petite équipe. Je voulais être flexible. Je suis partie au Japon à la recherche de lieux de tournage mais aussi en Allgäu (Bavière) où je vis et que je connais bien. J’ai également fait beaucoup de recherches sur le Butoh, participé à un stage avec Tadashi Endo, et essayé de comprendre cette danse. »

- : « Qu’est-ce que le Butoh ? »

Doris Dörrie : « Il est aussi difficile d’expliquer le mot Butoh que le mot zen. Le Butoh a été créé au moment du mouvement hippie japonais. Le Butoh a été rapproché par Kazuo Ohno de l’Ausdrucktanz allemand, un mélange de danse et de théâtre, né dans les années 1920. Les danseurs de Butoh sont encore aujourd’hui totalement à part. Même au Japon, cette danse est encore très peu connue des amateurs d’Art et de Culture et totalement inconnue du grand public. Le Butoh évoque des thèmes tels que la naissance, l’éphémère, ou la mort. »

- : « Elmar Wepper et Hannelore Elsner interprètent leurs rôles avec le plus grand naturel... »

Doris Dörrie : « Pour un tel projet, on ne peut choisir que des acteurs particulièrement téméraires. J’ai rencontré Elmar Wepper avec le film Le pêcheur et sa femme et j’ai tout de suite remarqué son courage, son ouverture d’esprit. C’est un acteur à la fois libre et sérieux. J’ai écrit ce scénario pour lui, il m’a aidé à le structurer. Il me fallait ensuite une actrice aussi solide que lui, peut-être même encore plus – au moins pour la première partie. Mais tout le film repose sur les épaules d’Elmar, qui est magnifique. »

- : « Vous avez tourné avec une caméra légère, au coeur de Tokyo, en Allgäu (Bavière), et en improvisant. »

Doris Dörrie : « Ce type de tournage nécessite d’être exact, ouvert et flexible à la fois. Il faut beaucoup d’expérience et en même temps il faut constamment faire attention et être concentré. C’est très amusant, quand on s’aperçoit que la fiction et la réalité ont le même rythme. Cela crée des moments magiques comme ce jour de tournage au bord de la mer Baltique, où nous voulions un temps plutôt mauvais pour qu’il soit en harmonie avec les émotions de la famille en deuil. Nous voulions un ciel gris, une mer démontée, en bref un temps typique de la Baltique. Et quand nous sommes arrivés, le ciel était dégagé et bleu, il régnait comme une ambiance d’été, avec des nudistes et des bikinis partout. Nous nous sommes adaptés et avons décidé d’envoyer la famille endeuillée sur la plage, au bord de l’eau. Et finalement c’était un bien meilleur choix. C’est encore plus tragique quand le temps et l’humeur ne s’accordent pas. »


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Note d’intention de la réalisatrice
Doris Dörrie : « Pourquoi est-ce que je reviens si souvent au Japon ?
C’est déjà le 3ème film, après
Epanouissement garanti et Le pêcheur et sa femme, que j’ai tourné partiellement au Japon. J’y suis venue pour la 1ère fois il y a 20 ans. Mon premier film était sélectionné au festival de Tokyo, et je suis entrée dans ce pays comme on entre dans un rêve. Le premier soir à Tokyo, après près de 24h de voyage, j’ai erré dans les rues de la ville : l’air était humide et tropical, les lanternes chinoises des taxis étaient allumées et un groupe de gens habillés en noir semblait nager à côté de moi tel un banc de poissons. Je n’ai pas osé les rejoindre mais j’en mourrais d’envie, même sans savoir où ils allaient. Je suis allée au cinéma mais ce que je voulais réellement faire était de découvrir ce pays étranger. Alors j’ai demandé à quelqu’un de m’écrire le mot Tokyo sur une feuille de papier, puis je suis allée à la gare de Shibuya et suis montée dans le premier train pour Kamakura. Après un court voyage, j’étais au milieu des temples et des forêts de bambous. J’étais bouleversée. J’étais sûre d’avoir trouvé le paradis. J’ai marché, marché. Je ne pouvais rien lire ni dire. Je me sentais invisible, comme camouflée, même si je dénotais totalement, moi blonde, grande et portant un imperméable jaune vif. Cela m’a plutôt réjouie.
Je suis retournée au Japon en 1994, dix ans plus tard, avec ma fille. A la surprise des organisateurs du voyage, j’avais insisté pour séjourner dans un petit B&B traditionnel, appelé
Minshukus, où j’ai découvert la tradition du bain japonais, ainsi que l’extrême délicatesse de la cuisine japonaise et du service en général – tout était minutieux, délicat, préparé avec amour – c’est ce que les japonais appellent mono no aware (être enchanté, transporté, ému par le monde extérieur). Peut-être les japonais sont-ils plus conscients de la nature éphémère des choses et savent-ils mieux savourer les instants les plus simples de la vie. J’ai appelé mon mari en Allemagne pour lui dire combien je regrettais de ne pas l’avoir à mes côtés…
A mon retour, j’ai revu les films de Yasujiro Ozu. Lorsque je les avais découverts, alors étudiante, je les avais trouvé trop lents. Avec du recul , j e pense que j’étais tout simplement trop jeune pour ces films. Maintenant, je comprends cet amour très spécial que portent les japonais à tous les petits détails de la vie qu’Ozu évoque si bien dans ses films. Le thème préféré d’Ozu est aussi le mien : la famille. Ozu a, toute sa vie durant, raconté des histoires de famille de la même façon que Hokuzai a peint et repeint le Mont Fuji.
Après la mort de mon mari qui était le chef opérateur de mes films, j’étais certaine de n’être plus capable de faire de films. C’est un ami, Werner Penzel, qui m’a persuadée d’essayer de nouveau. Il m’a suggéré de partir de chez moi chaque jour avec un petit appareil photo-vidéo et tout simplement d’observer. C’est ainsi, sans même le préparer, que j’ai réalisé le documentaire
L’instant (Augenblick).
Le simple fait d’observer m’a guidée. J’étais auparavant habituée à des scénarii très structurés, à de grosses équipes de tournage, j’essayais de créer une réalité dans la fiction, de recréer la réalité. Filmer en amateur est devenu mon camouflage : je suis devenue une touriste qui regarde les images au lieu de les chasser et de les obliger à ressembler à ma perception du monde.
»


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Fiche technique
Auteur et réalisatrice : Doris Dörrie
Directeur de la photographie : Hanno Lentz
Costumes : Sabine Greuning
Montage : Inez Regnier et Frank Müller
Musique : Claus Bantzer
Casting : Nessie Nesslauer
Producteurs : Molly von Fürstenberg et Harald Kügler
Producteurs associés : Patrick Zorer et Ruth Stadler

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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de

remerciements
à Etienne Ollagnier et Sarah Chazelle
logos & textes © www.jour2fete.com
photos © Patrick Zorer & Mathias Bothor

Publié dans PRÉSENTATIONS

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