* Une chanson dans la tête

Publié le par 67-ciné.gi 2008











Une chanson dans la tête comédie dramatique de Hany Tamba

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avec :
Patrick Chesnais, Pierrette Katrib, Gabriel Yammine, Julia Kassar, Lara Matar, Pierre Chamassian, Maggie Badawi, Majdi Machmouchi, Fady Reaidy, Mounir Khawli, Selina Choueiry, Romeo El Hachem, Rudy Khalil, Mahmoud Mabsout, Hamzi Nasrallah, Karine Lazard, Fabrice Scott, Nancy Tate, Laurence Colussi, Denis Maréchal et Béatrice Laout


durée : 1h38
sortie le 13 août 2008

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Synopsis
Dans les années 70, Bruno Caprice a connu un succès éphémère avec "Quand tu t'en vas", son premier et unique 45 tours. Aujourd'hui oublié, il gagne sa vie comme réceptionniste dans un grand hôtel parisien. Suite à une rupture sentimentale, Bruno a le blues. Mais un coup de fil inattendu va changer le cours de sa vie : un riche industriel libanais lui propose de venir chanter à Beyrouth. Car au Liban, sa chanson est toujours dans la tête des gens.


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Entretien avec Hany Tamba
- : « Pourquoi avez-vous choisi le registre de la comédie ? »

Hany Tamba : « Pour les Européens, le Liban rime avec guerre, affrontements claniques et crises politiques. On a tendance à penser qu’un cinéaste qui vient du Liban doit s’engager à montrer l’Histoire du pays de façon sérieuse et grave.
Les Libanais sont des électrons libres. Ils aiment agir à leur guise, n’ont jamais compté que sur eux-mêmes – c’est d’ailleurs, ce qui fait leur force et leur faiblesse – et ils possèdent un sens aigu de la dérision, voire de l’autodérision. Comme dans mes courts-métrages, j’avais envie d’aborder des thèmes graves avec légèreté. C’est dans ma nature profonde : je préfère remonter le moral des gens plutôt que pleurer avec eux. La tragédie me met mal à l’aise. Cela dit, au début, comme la plupart des réalisateurs libanais, je voulais, moi aussi, tourner mon film néo-réaliste, façon documentaire. Je voyais la société évoluer, Beyrouth se reconstruire avec un centre-ville bourgeois très
Pradaland, les Libanais endurer cycliquement des périodes de frictions puis se rendormir à nouveau. Capter tout cela me tentait. Mais mon besoin de fantaisie a pris le dessus. Mélanger les genres, avec tendresse pour mon pays, avec un penchant pour l’absurde plutôt que de faire un film objectif sur le Liban. »

- : « Comment le scénario est-il né ? »

Hany Tamba : « Il a jailli des personnages. Et d’abord de ce chanteur dépressif qui débarque à Beyrouth avec ses valises de problèmes. Le Liban, pays francophone, cultive la nostalgie de la variété des années 60-70, de ces bonnes, et de ces mauvaises chansons, qui peuvent vous accompagner des années durant. Elles le ramènent à son âge d’or, à son image de Suisse du Moyen-Orient.
À l’époque, beaucoup de chanteurs français se produisaient là-bas. Et aujourd’hui encore, il n’est pas rare d’y entendre Adieu, jolie Candy, ou les tubes d’Hervé Vilard et de Christophe. Le contraste entre Bruno Caprice, personnage un peu désabusé, très européen, et des Libanais plus exubérants me plaisait infiniment. Pour les Libanais, n’importe qui venant de l’étranger est fatalement une vedette, même un crooner raté. Et puis, Bruno Caprice revêt une importance majeure pour certains des protagonistes, Mme Harfouche, notamment, qui croit dur comme fer l’avoir vu en concert à Beyrouth, en 1976, sous les bombardements. Dans tous les films que j’ai réalisés, il y a au centre de la question de la mémoire et des petits arrangements que chacun passe avec ses souvenirs. Beaucoup de Libanais ayant vécu 15 ans de guerre, de 1975 à 1990, ont besoin de s’inventer de faux souvenirs. C’est une manière d’enjoliver leur histoire.
»


- : « L’oubli est d’ailleurs ce qui caractérise certains de vos personnages comme Bruno Caprice ou Nadine… »

Hany Tamba : « Oui, car la mémoire peut parfois vous jouer des tours. Une de mes base line résumait même : Quand la mémoire vous joue un mauvais 45 tours. Le chanteur à la mémoire qui flanche : est-il vraiment venu en 1976 ou pas ? Le lui a t-on tellement répété qu’il finira par le croire ? S’inventer des souvenirs, en oublier, c’est bien sûr une mine inépuisable de fiction.
Mon premier court-métrage, en 1999 Mabrouk Again !, raconte l’histoire d’un couple marié sous les bombes et donc sans photo de mariage. Dix ans plus tard, la mère de la mariée est convaincue d’avoir perdu cette photo qui n’a jamais existé et la réclame. Du coup, le couple va la reconstituer pour elle, en puisant dans ses souvenirs imaginaires. Nadine, elle, a refoulé le lien entre la chanson de Bruno Caprice, la mort de son père, et la guerre. Mais lorsqu’elle écoute Quand tu t’en vas, penchée sur les orteils de Mme Harfouche, l’angoisse l’envahit. Elle cherche fébrilement le disque et ses souvenirs lui reviennent. Oui, d’une certaine façon, c’est Bruno Caprice qui fait revenir son père, qui le re-présente. D’autant que les deux hommes se ressemblent. Cette ambiguïté planait dans le scénario. Mais je l’ai encore accentuée au tournage, puis au montage.
»

- : « Bruno Caprice se nomme-t-il ainsi à cause de Capri, c’est fini (Hervé Vilard) ou parce qu’il est le caprice de Mme Harfouche ? »

Hany Tamba : « Ni l’un, ni l’autre. D’ailleurs, au départ, il s’appelait Bruno Love, mais ça faisait acteur de films pornos, alors, j’ai opté pour Caprice, ça sonnait mieux. Mais il trimbalait déjà cette allure old fashion que je trouvais visuellement intéressante. A l’écriture du script, je n’arrivais pas à lui donner un visage. Fallait-il chercher du côté de Christophe, de Joe Dassin, de Claude François ?
Et puis je suis tombée sur une photo d’Antoine et j’ai réalisé qu’il me rappelait Patrick Chesnais. J’admire Patrick depuis toujours, et particulièrement depuis
La lectrice de Michel Deville. Sa classe, son charme, sa drôlerie, sa nonchalance, la subtilité de son jeu me touchent.
Il me semble posséder une forme de précision dans son imprécision. Je me suis assuré que l’idée de tourner au Liban ne lui faisait pas peur, car depuis 2005, le pays est secoué par une vague d’attentats. Non seulement Patrick était partant pour l’aventure, mais il a immédiatement appréhendé le personnage de Bruno Caprice : un homme d’une cinquantaine d’années, qui cherche encore sa voie, qui est dépressif mais reprend du poil de la bête, qui n’a pas connu de vrai drame mais débarque malgré lui dans une ville marquée par la tragédie. Un mois avant le début du tournage, Patrick est venu du Liban pour enregistrer ses chansons avec le compositeur, Khaled Mouzanar. Il a découvert le pays, on s’est occupé de lui. Bref, il s’est retrouvé dans la peau et la posture de Bruno.
»

- : « Comment avez-vous travaillé ensemble ? »

Hany Tamba : « Avec Patrick, bien avant le tournage, on a beaucoup parlé du personnage de Bruno. Je lui ai montré des photos de chanteurs de variété des années 70 (pour les scènes de flash-back) et des films qui m’inspirent : La garçonnière de Billy Wilder pour sa tendresse, les comédies italiennes de De Sica pour leur réalisme ou de Fellini pour leur onirisme, The big Lebowski des frères Coen pour leur surréalisme teinté d’absurde. Il ne s’agissait pas d’influences mais plutôt de compréhension mutuelle du personnage et de partage de mon univers. J’ai également confié à Patrick ma volonté d’ancrer Une chanson dans la tête dans des décors classiques, ceux des longs-métrages qu’on tournait au Liban dans les années 60, comme La grande sauterelle de Georges Lautner.
Les Libanais ne savent plus très bien où se situer. Ils ont oublié le passé, ne savent pas quoi penser d’un avenir très fragile, depuis la mort du premier ministre Hariri en 2005, et la guerre de 2006. Ils vivent au jour le jour. Dans le présent. Moi, le passé m’intéresse et me fascine. Le film rend donc discrètement hommage à un Liban qui n’est plus, mais auquel je reste profondément attaché et que je ne veux pas voir disparaître.
»


- : « Dans quel esprit avez-vous conçu les chansons ? »

Hany Tamba : « Elles avaient beau être kitch et simplistes, elles devaient être au service de l’histoire. Donc accompagner les situations.
Qu’en tu t’en vas qui s’est d’abord intitulée Ne t’en va pas, nécessitait une orchestration des années 70, sans pour autant tomber dans le pastiche. Il fallait que le spectateur puisse effectivement croire que les paroles de
Amour, café et samba, ont été écrites par M. Harfouche et sa fille pour promouvoir son café.
Le blues d’Aboul Zouz résonnait, pour moi, comme Chérie je t’aime, chérie je t’adore de Bob Azzam, et comportait des phrases kitsch mais résolument optimistes : c’est un message légué par les Libanais à Bruno Caprice, qui, à la fin du film, se l’approprie.
Pour trouver les orchestrations, Khaled Mouzanar, avec lequel j’ai souven travaillé sur des films publicitaires et qui a composé les B.O. de mon court-métrage
After shave et de Caramel de Nadine Labaki, a ressorti les vieux vinyls de son père. Il a une grande sensibilité, il aime mêler les genres et les instruments. Il a fait des arrangements acoustiques où perce une touche orientale qui reste néanmoins subtile. Cela collait parfaitement au Liban, où l’on en écoute au moins autant de musique rabe que de musique occidentale. »

- : « D’où vient l’idée de l’enlèvement de Mme Harfouche ? »

Hany Tamba : « Il y a quelques années, le pays a connu une vague de kidnapping de voitures. Des grosses cylindrées, pour lesquelles leurs propriétaires devaient payer une rançon q’ils entendaient les récupérer, car, au Liban, on adore sa voiture. Là, il se trouve simplement que Mme Harfouche est dedans. Une situation comique qui me permettait de provoquer la rencontre entre Nadine et Bruno. Ce kidnapping met aussi en valeur la capacité qu’ont les Libanais à dédramatiser les situations, leur défense naturelle face à l’adversité. Bien sûr j’ai un peu appuyé leur réaction, pour la comédie. M. Harfouche pense que The show must go on. Sa fille s’inquiète, mais danse en boîte de nuit. Quant à César, le chauffeur, il retrouve la voiture vide et croise un copain avec lequel il a peut-être combattu naguère. Car César s’est inventé un passé de milicien. Il trouve ce passé glamour et propre à séduire Nadine alors qu’il n’y a absolument rien de glamour à avoir fait cette guerre sale qu’était la guerre du Liban. »

- : « Y a-t-il un peu de vous dans le personnage qui explique : quand je suis au Liban, Je ne songe qu’à partir, quand je suis ailleurs, je ne songe qu’à rentrer ? »

Hany Tamba : « C’est ce que beaucoup de Libanais ressentent. Nous nous montrons tous très critiques envers ce pays et son inertie politique, mais nous en sommes esclaves car au fond nous l’aimons. Nous lui sommes attachés comme des chiens fidèles. Un cordon ombilical nous relie que nous ne couperons jamais. »

- : « Comment avez-vous travaillé l’image ? »

Hany Tamba : « Avec Emmanuel Soyer, mon chef opérateur complice de longue date, nous voulions que l’évolution de l’image suive celle du protagoniste principal. Tout le début du film, qui suivait un Bruno Caprice plutôt down à Paris, devait être serré sur lui, austère et monochrome. Et puis, au fur et à mesure qu’il avance dans le récit, l’espace s’ouvre. La lumière solaire du Liban l’emporte. »

- : « Où vous situez-vous au sein d’un cinéma Libanais qui, incontestablement, se réveille ? »

Hany Tamba : « Je dirais plutôt au sein du cinéma élaboré par les réalisateurs libanais. On a tous des choses à dire et notre manière de la dire. La vitalité et la diversité des cinéastes libanais sont assez incroyables. En revanche, le pays ne bénéficie que de très peu d’aides au financement. J’ai donc beaucoup de chance d’être un cinéaste d’origine libanaise vivant en France. Car le Liban m’inspire mais sans la France, je n’aurai jamais tourné Une chanson dans la tête. Cela dit, je ne me considère pas comme un réalisateur libanais. Je suis juste un réalisateur qui vient de tourner son premier long-métrage. »


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Fiche technique
Réalisation et dialogues : Hany Tamba
Scénario : Hany Tamba
avec la collaboration de : Emmanuelle Mougne et Michel Kammoun
Musique originale : Khaled Mouzanar
Image : Emmanuel Soyer
Son : Emmanuel Zouki, Sébastien Savine et Gildas Mercier
Montage image : Marie Jo Audiard
Chef décorateur : Raymond Sarti
Graphisme : Nathalie Delaborde
Costumes : Caroline Tavernier et Roula Oueida
Générique d'ouverture : Hélène Ségura et Julien Lemonnier
1er assistant réalisateur : Fatma Tarhouni
Scripte : Béatrice Greffet
Chef maquilleuse : Stéphanie Aznarez
Production exécutive Liban : Sabine Sidawi (Orjouane Productions)
Régisseur général : Bruno Fortune
Produit par : Emmanuel Agneray et Jérôme Bleitrach
Producteur associé : Georges Schoucair (Abbout Films)
Crédit Photos : Sarmad Louis
Bande Originale du film : disponible chez Naïve
Distribution : Haut et Court
Attaché de presse : André-Paul Ricci et Tony Arnoux

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présentation réalisée avec l’aimable autorisation de

remerciements à
Carolyn Occelli
logos, textes & photos © www.hautetcourt.com

Publié dans PRÉSENTATIONS

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